Mon premier a interviewé quelques-uns des plus grands crackers francophones officiant sur Apple II. Mon second est le webmaster du site qui reste LA référence sur l'Underground FR de cette époque. Mon troisième possède une des plus belles collections consacrée à cette machine en France et mon tout n'a jamais vraiment lâché son Apple IIe depuis presque 27 ans. Bien entendu, vous aurez tous reconnu Jean-Marc Boutillon alias Deckard qui a accepté, à son tour, de se prêter au jeu de l'interview. Et vous allez voir que, quand il veut, le gaillard peut être très loquace...

Les débuts :

Quels furent tes premiers pas dans l'informatique et par quel biais ?

Deckard : D'après Wikipedia, la définition de l'Informatique inclut aussi les consoles de jeu vidéo.
Avant d'aborder la micro-informatique, mes parents avaient offert à leurs 3 enfants à la fin des années 1970 une console Hanimex TVG 8610 (à moins qu'il ne s'agisse d'un clone ITMC ?) et je fais partie des "anciens" ayant commencé à jouer avec PONG sur notre télé d'alors, un modèle en noir et blanc.

Je pense que mon 1er contact avec un ordinateur date de l'année 1980. Ma ville de résidence de l'époque, Rueil-Malmaison, organisait une journée porte ouverte de découverte de l'informatique dans une salle de la mairie. Le hasard a voulu que je passe par là, les mains dans les poches, et ce fut ma 1ère séance de tapotage (laborieux) de clavier. Il s'agissait de Bull Micral dotés d'écrans monochromes en mode texte. Les quelques postes en libre accès proposaient des petits jeux (type jeu du pendu) et mon baptême (assez bref) fut donc dans un cadre ludique. C'est surtout l'atmosphère qui m'avait frappé : des gens discutaient et tout cela avait l'air très sérieux mais j'avais l'impression qu'ils n'osaient pas toucher les machines. J'avais pu m'asseoir tout de suite devant un ordinateur en plein week-end. Les jeux de "démonstration" tranchaient - voire juraient - avec cette ambiance studieuse orientée "pro".

Puis arriva en 1982 dans le salon familial une console Atari VCS 2600 où se jouèrent d'interminables parties de COMBAT, DEFENDER et PAC-MAN qui monopolisaient notre nouvelle télé en couleur.

De 1982 à 1984, l'informatique familiale était en pleine explosion et une pléthore de machines, la plupart incompatibles les unes avec les autres, s'offrait au public heureux de s'initier à cette nouvelle discipline. Pour des raisons principalement budgétaires, le choix familial s'est porté en 1983 sur l'Oric-1 avant de passer à l'Oric Atmos en 1984.
J'étais le seul des 3 enfants à avoir accroché à la micro et mes passe-temps tournaient autour de notre petite ludothèque d'alors : XENON 1, ZORGON'S REVENGE, DRIVER, THE ULTRA, MR WIMPY, TYRANN, LONE RAIDER, PASTA BLASTA, DEFENSE FORCE et d'autres petits jeux issus de la revue Hebdogiciel et divers bouquins de qualité médiocre regroupant des listings à taper soi-même.
Les logiciels commerciaux mentionnés ci-dessus n'étaient pas des originaux ! Par le canal des petites annonces de la revue TILT, ma mère (qui s'intéressait aussi à l'informatique) avait acheté des copies de jeux à un ado qui, comme beaucoup d'autres à l'époque, se faisait de l'argent de poche sur le dos des éditeurs.
Je m'en donnais à cœur joie... quand le magnétophone (servant au chargement des softs mémorisés sur cassettes) ne me décourageait pas par son temps de lecture interminable et son imprécision provoquant souvent des "FILE ERROR - LOAD ABORTED" nécessitant de reprendre le chargement depuis le début.

Parallèlement à cela, j'avais appris le BASIC et m'initiais à l'assembleur avec l'excellent "Manuel de référence de l'Oric-1 / Atmos" d'André Chenière. Je me rappelle aussi que je lisais attentivement la série d'articles d'Eric Viel "les pieds dans le plat" de la revue Théoric. L'auteur décortiquait ses programmes de jeux écrits en assembleur 6502.
J'avais écrit quelques programmes mais avec les bogues contenus dans la rom de la machine, le rendu ne cassait pas des briques !
Il était par exemple possible de redéfinir le jeu de caractères du mode texte (pour créer par exemple des sprites en regroupant des caractères) et afficher le résultat en couleur mais l'affichage était assez pourri : quand on écrivait un caractère à l’écran, tous les caractères se trouvant sur la droite passaient dans la même couleur. Infâme...

Pendant l'année scolaire 1983/1984, j'abordai la programmation à l'école via l'Enseignement Assisté par Ordinateur (EAO).
Le Lycée Polyvalent d'Etat Mixte (LPEM) de Rueil utilisait encore un mini système en fin de vie, probablement un Télémécanique T1600 avec son télétype bruyant. Il s'agissait de matériel datant des années 1970 destiné à " l'expérience des 58 lycées ", le 1er plan d'informatisation des écoles bien avant le plan plus connu des années 80 (le plan "Informatique Pour Tous"). Sur ces mini systèmes de la taille d'une armoire, on apprenait le LSE (Langage Symbolique pour l'Enseignement) de type Algol en utilisant de grosses consoles "design" de couleur orange incluant l'écran et le clavier.
Je me souviens qu'avec la commande "PRENDRE ETAT CONSOLE" du LSE j'avais piqué à un administrateur un petit programme (TAFAE ?) destiné à faire des "envois fantômes", c'est à dire permettre à l'enseignant d'envoyer le programme de son choix sur une autre console. C'était tellement plus drôle de se bombarder de programmes que d'apprendre ce langage moribond dont je ne voyais pas l'intérêt, connaissant déjà le BASIC. C'est pour ce mastodonte que j'avais acheté ma 1ère disquette (une 8 pouces) pour stocker nos chefs-d'œuvre impérissables de quelques lignes de LSE (des programmes de gestion dont seul le prof voyait l'intérêt).
Il y avait aussi dans la salle informatique un Bull Micral mais comme notre corps enseignant ne le maîtrisait pas trop, il ne fut allumé et utilisé qu'une seule heure durant toute l'année scolaire.

Quand et pourquoi es-tu passé sur Apple II ?

C'est fin 1985 qu'arrive le déclic. Mon copain d'alors, Eric B. (Elrik), possédait la "Rolls Royce", un Apple IIe doté de deux lecteurs de disquettes. Quel miracle ces lecteurs comparés à mes galères de chargement de cassettes de l'Oric. J'allais de temps en temps chez Eric et il me faisait baver avec ses logiciels.
Après des parties d'Archon à deux, de Conan et des massacres sanglants à coups de haches avec The Bilestoad, il ne faisait pas de doute que c'était la machine que je voulais avoir chez moi. J'entamai un travail d'usure auprès de mes parents pour qu'ils achètent cette machine fort chère à l'époque (bien qu'étant déjà sur le déclin). Ils finirent par craquer et un Apple IIe flambant neuf se trouvait sous le sapin du Noël 1985.

Quelle était ta configuration type à l'époque ?

Il s'agissait d'une configuration de base. Un IIe 6502 64ko avec écran monochrome vert et un lecteur de disquette. Ce n'est que plus tard qu'elle s'étoffa petit à petit d'un joystick, d'un second lecteur de disquette, de l'extension mémoire pour atteindre 128k, d'une carte parallèle ainsi que d'une imprimante EPSON LX800.

Et ton utilisation principale de la machine ?

Dans la mesure où ce qui m'avait en premier lieu attiré était l'immense logithèque de cette machine, j'en ai bien entendu largement profité.
Même si j'avais une préférence pour les jeux de rôles (la saga ULTIMA, la série des QUESTRON, WRATH OF DENETHENOR, les SSI : les PHANTASIE, SHARD OF SPRING, WIZARD'S CROWN, ...) j'ai dû bousiller plusieurs joysticks sur une flopée de jeux d'arcade que j'avais collectés. Quelques titres qui me reviennent (CAVERNS OF CALLISTO, HARD HAT MACK, TIME TUNNELS, SPARE CHANGE, APPLE CIDER SPIDER, DROL, A.E, LODE RUNNER, SARACEN, les BOULDER DASH, BOLO, MR ROBOT, CAPTAIN GOODNIGHT, KARATEKA, ...) mais j'ai joué à une myriade d'autres petits jeux qui ne m'occupaient pas longtemps mais c'était cette richesse qui était jouissive (passer de l'un à l'autre en un ctrl-pomme-reset).
J'avais passé une annonce dans le magazine TILT pour des échanges et je me souviens que mes parents étaient effrayés des proportions atteintes (plusieurs fois, le facteur est venu en camionnette pour m'amener une dizaine de gros colis). Ils avaient surtout peur d'une descente de police car ils avaient entendu qu'il pouvait y avoir des répressions si une liste d'échange de logiciels manifestement piratés tombait entre les mains d'autorités de contrôle. Il aurait fallu justifier d'originaux que je n'avais évidemment pas.
La plupart de ces correspondants n'appartenait pas à l'Underground RTELien et quasiment aucune de ces personnes n'est restée bien longtemps dans ma liste de contacts.

L'Underground :

Comment es-tu entré dans l'Underground français de l'époque (au sens large) et à quelle occasion ?

Ma collecte de logiciels n'avait pas de périmètre défini, sauf exclusion des softs de cul existant car j'avais pu booter ceux qu'Elrik avait, du genre ANIMATED SEX CARTOON ou STRIP POKER, et c'était assez naze (pour le 1er, un simple flipping des pages HGR1 et HGR2 avec des dessins enfantins).
J'ai donc fini par récupérer quelques disks de l'Underground (il s'agissait de disquettes de DEPLOMBAGE MODE D'EMPLOI ou de DOC ON THE ROCKS, je ne me souviens plus).
Ces productions intégraient des messages du type "pour nous rejoindre, rdv sur le serveur 36-14 ou 36-15 XYZ".
J'ai fini par céder à la tentation d'aller voir à quoi cela ressemblait fin 1987 et ce fut le début d'un emploi intensif du minitel familial (et de manière cyclique d'un énervement paternel à réception de la facture France Telecom).
Il y avait plusieurs séries dont Godfather était l'initiateur et il semblait être un catalyseur important de cet Underground.

Quel type de rôle as-tu tenu au sein de cet Underground au fil des années ? À quelles productions précisément as-tu participé soit avec ton ou tes groupes, soit individuellement ?

Les contacts récupérés suite à mon annonce sur TILT ne faisaient que du swapping et jouaient. Sur RTEL, il y avait des personnes qui essayaient de faire quelque chose de leurs machines, et c'était autrement plus intéressant. J'ai donc commencé par récupérer ces productions et m'y suis intéressé, soit en aidant à la traduction/saisie de docs, soit en signalant un bogue et en donnant le correctif associé. Puis je suis passé à la réalisation de productions complètes (par exemple un disk de doc d'Ultima V en V.O., de Wizardy V avec un fast boot) et de petits programmes utilitaires liés à ce type de freewares, dont certains furent diffusés comme PRODOC (en plusieurs déclinaisons), ou intégrés à des productions communautaires type "TOOLBOX".
Dresser l'inventaire de mes participations aux diverses productions de l'Underground fait partie des tâches inscrites à ma liste TO DO.

J'ai continué à aider d'autres personnes comme moi. Je me souviens de Stéphane B. (pseudo BOZO) et de son frère David qui écrivaient un jeu de rôle type BARD'S TALE s'intitulant "A LA RECHERCHE DE KARINE". Je leur avait fait quelques routines en langage machine alors qu'ils bloquaient sur un besoin fonctionnel qu'ils n'arrivaient pas à implémenter.

J'ai aussi pris beaucoup de plaisir à faire plusieurs intros/dentros pour la série des LANGUE D'OCS. J'essayais de me mettre en phase avec le "producteur" officiel (LO44) et de faire dans la catégorie "loufoque", ce qui de mémoire n'avait jamais été abordé auparavant dans ce type de softs.

J'ai eu plus d'une cinquantaine de pseudos de RTELiens dans mon carnet d'adresses. J'ai pu remettre la main sur ma liste de l'époque. On y trouve :

2C MIEUX QU'UNE, ACHA, AP II, APPLE 44, APPLE76, APPLE MOI, APPLEMANIA, ARAGORN64, ARAGORN GS, ARN, ASTRABAN, BABAR DE ST CYR, BILBO BILOBA, BYTLEJUICE, CETOINE, CGS, COPPERFIELD, DALAT, DARDEVIL, DEAD MAN, DIABOLIK / EDDIE SLAYER, DISKBURNER, DOUME, EDDIE HAWK / CROCKY DISK, FLINT, GANDALF-APPLE, GEGEAPPLE2, GODFATHER, GOLDEN CLUB (ABONNEMENT), JACK, LO44, LOGO, LOOCKHEED (ABONNEMENT BLACK CHEST), MAGMA, MANUTEL, MAX HEADROOM, MQJDS, MVCAMILLO, NEWSRUNNER, NIBBLE, NINJA, P'TIT DUC, PEV16, RAT CORP., RJP, SMOOTHY, STAR42, THE JOKERSOFT, THE LUCK JIM, THE MONZ, THE WARGAMER, THE WHITE MAN, THRY2, TRANSWARP, WOLVIE, ZARATHOUSTRA.

Tu sembles avoir été toujours un peu réticent vis-à-vis du cracking, pourquoi ? Est-ce par conviction profonde ? Ou bien n'était-ce dû qu'à un manque d'opportunité (impossibilité d'avoir des originaux par exemple) ?

Outre l'aspect pratique (avoir des originaux sous la main, ce qui n'était pas mon cas), ce type d'activité ne me branchait pas et d'ailleurs dans la mesure où l'Underground était largement approvisionné en softs crackés, il n'était pas utile d'avoir de nouveaux intervenants sur ce créneau déjà bien pourvu. Plus je voyais ce qu'il se passait dans la communauté du cracking (vanité, guerres, ...) et plus cela me confortait dans la justesse de mon choix.

Ceci dit, j'appréciais d'avoir accès à tous ces softs et j'en étais reconnaissant à ceux qui avaient fait sauter ces protections.

J'étais par ailleurs pendant un temps membre du Black Chest sous un autre pseudo (Brian Boru) et j'avais aussi acheté à Godfather quelques-uns de ses cours pour me déniaiser sur le sujet sans d'autres convictions que cela. Je ne me souviens plus pourquoi mais j'utilisais un autre pseudo (Solomon Kane) dans les quelques échanges de courriers que j'ai eu avec Godfather.

Avais-tu des contacts directs avec certains crackers de l'époque ?

Certains "proches" correspondants réguliers (Eddie Hawk, LoGo, The White Man) se sont mis au cracking vers le fin de l'Underground Apple II mais je n'abordais pas ces problématiques avec eux. J'étais juste navré de les voir ensuite se déchirer comme leurs prédécesseurs plutôt que d'être constructifs.

Avais-tu des "idoles" dans le milieu ?

"Idoles" n'est pas vraiment le mot.

Mais comme beaucoup, j'ai toujours été impressionné par la qualité des productions signées ACS. Vitesse (ACS DOS et autres fast boots), animations inédites (faites mains), musiques... une belle harmonie qui témoignait de la maîtrise et de la complémentarité des membres de l'équipe dijonnaise.

J'enviais aussi la programmation signée Patchman. Il avait écrit des bibliothèques de macros et ses programmes ne ressemblaient plus trop à du code 6502 mais à un autre langage. C'était en tout cas de belles réalisations (Mac Joy, Excel Displayer DHGR, Excel Boot, ses Bidouillages Mode d'Emploi, sa série P.L.U.S., ...)

Sinon, un regret, c'est de ne pas m'être davantage rapproché de The Jokersoft à l'époque. J'aimais bien ses séries et les quelques messages que j'ai pu échanger avec lui me laissaient penser que c'était un gars bien.

Quels étaient les personnalités (underground ou pas) officiant sur Apple II que tu respectais le plus et pourquoi ?

En dehors de l'Underground, la liste serait trop longue à détailler : il y a eu tellement de contributeurs importants.

Si je devais vraiment faire un choix personnel, je citerais évidemment Woz et dans le désordre : Bill Budge (pour ses routines graphiques et ses interfaces), Jim Sather (gourou hardware), les outils de Glen Bredon et Paul Lutus, les ingénieurs de chez Applied Engineering, Don Fudge, Beagle Bros, Bob Bishop, Randy Hyde, ...

Pour les français, j'étais surtout admiratif de l'étendu des connaissances du monde Apple II de Jean-Yves Bourdin (revue POM'S) et je lisais toujours sa rubrique "Apple II for ever" avec avidité.

À l'inverse, avais-tu quelques "têtes de Turc" en particulier ?

<rien à dire>

Te sentais-tu concerné par les bagarres de l'époque (Godfather vs TBT par exemple, Godfather vs Mister Z, etc.) ?

Ces "guerres" étaient à mon sens la manifestation des travers de l'adolescence ou de la fin de l'adolescence dans beaucoup de cas. Cela ne m'intéressait pas le moins du monde, pour ne pas dire plus, surtout quand je me baladais sur RTEL et que je devais attendre que mon minitel finisse d'afficher une page d'injures pour découvrir (avec soulagement et plaisir) l'annonce d'une production sur la page suivante.
Même à l'époque (fin des années 80), quand mon collègue de groupe, Eddie Hawk, avait essayé de me faire participer à une confrontation avec un autre gars prompt aux dérapages (pseudo AP II pour ceux qui s'en souviennent), j'avais décliné cette "invitation", ce qu'il avait mal digéré.
Je n'envisageais l'Apple II qu'en tant que plaisir et non comme une source de conflits stériles. Il y avait déjà les études pour me pourrir la vie...

Bref, je suis mal placé pour te parler des différentes "bagarres" virtuelles. Sauf une : Godfather vs TBT. D'ailleurs, il faudrait plutôt parler de confrontation GDF vs Loockheed. Et encore relativiser l'engagement de GDF sur cette voie.

J'ai quelques informations à ce sujet qui me viennent de Loockheed :
En fait, c'est Loockheed qui a déclenché cela alors qu'il n'avait aucun motif valable contre Godfather. Les autres membres du Brain Trust n'ont fait que suivre la teigne de service. L'explication est assez navrante : à cette époque, les softs Apple II devenaient rares (contexte de la gamme IIe/IIc mourante aux USA) et de ce fait les déplombeurs commençaient à être "au chômage". Pour s'occuper, Loockheed n'a rien trouvé de mieux que de déclencher volontairement les hostilités. Pour reprendre sa formule : "J'avais rien contre GDF perso mais je pensais qu'un bon ramdam nous ferait tous rigoler. <...> Je crois qu'à l'époque ce fut ma seule stratégie consciente. <...> Le reste du TBT étant des gens plutôt biens dans leurs baskets <...>"

A mon sens, GDF a eu une attitude saine : il est inutile de rentrer dans le jeu d'un sociopathe - ça ne fait que le conforter et lui donner une importance qu'il n'a pas. GDF l'a ignoré et a avancé sur d'autres projets.

Avec le recul, qu'en penses-tu ?

Il y a dans ce bas monde des gens pour qui la justification de leur existence se limite à la confrontation avec autrui. J'ai croisé le chemin de plusieurs d'entre eux.

Loockheed fait partie de cette catégorie de personnes en guerre permanente avec son entourage. C'est une boule de haine incapable de faire quelque chose de constructif. À l'époque, les autres membres du Brain Trust le décrivaient comme une personne ne pouvant pas avoir une discussion avec quelqu'un sur RTEL sans finir par cracher sur son minitel. 25 ans plus tard, son comportement n'a pas évolué d'un iota. Alors que le poids des ans est censé apporter recul, sagesse et maturité, il est resté un concentré de fiel, une personne pour qui l'activité préférée consiste à "faire la guerre pour s'amuser et foutre le bordel" (dixit).

Une citation caractéristique de l'individu : "Quant au respect, je me bornerai à citer ce philosophe inconnu : "La société, c’est l’organisation rationnelle quoi qu’inconsciente du mépris des uns envers les autres". Méditez bien ça chers amis… ou ruminez le…"

Je détaille :

Il m'a contacté en 2006 sur internet et nous avons échangé des messages pendant environ trois semaines en vue de faire une interview de ses activités de cracker.
Il est apparu qu'il n'a pas compris le principe de ce type d'exercice, ce qui la fout mal pour une personne dont le discours tourne principalement autour de son nombril et de sa soi-disant intelligence.
Il s'est avéré que le personnage, dénué de tout humour (sauf si vous considérez que le pire de Stéphane Guillon s'apparente à de l'humour), est incapable de concevoir une discussion autrement que comme une joute. De plus, alors que j'attendais des anecdotes sur l'Underground, ce qui donne sa saveur à ces tranches de vie, j'ai eu droit à un bric à brac de citations rébarbatives "dignes" d'un lycéen en manque d'inspiration et recopiant ses annales bac de philosophie. Il a finalement dû se rendre à l'évidence : son texte, pénible et lourdingue à la lecture, faisait surtout ressortir son incapacité à avoir une vie sociale normale, et comme un adolescent, il s'est barré en claquant la porte.

J'ai eu droit à ce discours de sa part : "Alors, mon conseil, si tu veux faire vivre ton site, déclenche une bonne guerre sémantique sur qui pisse le plus loin, et là tu vas voir qu'on va bien rigoler comme dans le bon vieux temps". Son "intelligence" avait omis de lui souffler à l'oreille qu'à l'approche de la quarantaine, on a d'autres préoccupations...

Ce que je pense dans le cas de Godfather ? Pas simple...

Avoir un fils en bas âge permet de redécouvrir les contes pour enfants.
Il y en a un qui illustre assez bien sa situation je trouve. Il s'agit d'un conte africain "le secret du bonheur", avec le père, son fils et leur âne. Facilement trouvable sur le net. Les faits : "peu importe ce que tu fais, il y aura toujours quelqu'un pour y trouver à redire". La morale : "Fais ce qui te plait (sans tenir compte des commentaires des autres), et tu seras heureux".

J'insiste sur Godfather (qui est à mon sens un des personnages clef de l'Underground de l'époque) car au travers les différents articles sur ton site, on a l'impression que ta position a plus ou moins évolué vis-à-vis de lui et de son "œuvre" avec le temps. Peux-tu donner ton sentiment actuel ?

Tu me demandes de porter un jugement ? Soit ! Mais je précise qu'il ne s'agit que de mon ressenti personnel, aussi merci de ne le prendre qu'en tant que tel. Quelques mots donc sur ce que je pense de GDF et son principal détracteur avec le recul, le tout en deux axes.

L'axe de l'héritage Underground Apple II (axe qui concerne surtout les archivistes/amateurs comme moi) :

Je constate juste que les années passent et les individus physiques s'effacent au profit de ce qu'ils ont produit. Ce qui caractérise le plus les "traces" que laissera Loockheed, c'est une photo digitalisée de lui, le bras levé et le majeur tendu, ceci éclipsant même les quelques cracks très techniques qu'il avait réalisés. Face aux productions de Godfather (textes et initiatives), Loockheed n'est qu'une anecdote ne pesant pas bien lourd sur la balance de l'intérêt. L'aspect "démarche commerciale" de la fin de GDF ne change rien à la donne. Il a voulu se faire de l'argent de poche, et après ? C'était contre un travail rédactionnel orienté partage de connaissances même si les outils n'étaient pas nécessairement de lui. Il s'agit d'un détail mineur au regard de ses contributions à l'Underground.

L'axe sociologique :

Notre société libertaire n'est pas forcément adaptée pour les individus incapables de se structurer.
Quand j'entends l'adolescent Loockheed faire l'apologie de la "guerre", je lui aurais souhaité une éducation d'une société tournée entièrement vers cela (et pas la guerre façon "enfantillages").
Chez les Lacédémoniens (Spartiates), à l'époque de l'application de la Constitution du législateur Lycurgue, on ne prenait pas l'éducation des adolescents à la légère. Lycurgue, "remarquant qu'un très grand orgueil est infus chez les gens de cet âge, que la violence est extrêmement abondante et que les désirs de plaisirs sont installés avec le plus de force, avait imposé des tâches en très grand nombre et s'était arrangé pour qu'ils manquent en très grande partie de loisirs. Il établit également, que si quelqu'un se dérobait à cela, il n'obtiendrait plus rien des bonnes choses... En outre, voulant infuser fortement en eux la réserve, il leur enjoignit de garder leurs deux mains sous leur manteau mêmes dans les rues, de marcher en silence, de ne pas jeter les yeux nulle part et de ne regarder que ce qui était à leurs pieds".

Loockheed, ça lui aurait fait du bien de s'occuper utilement et d'apprendre à fermer sa gueule. Ce type est si aigri et si désœuvré que, plus de 4 ans après (oui 4 ans !), il en était encore à venir cracher son venin sous forme d'insultes sur le livre d'or de mon site. Pathétique...

Sur les dernières productions Underground parues, tu étais un personnage incontournable, en avais-tu conscience à l'époque ?

Quand il ne reste presque plus personne dans un troquet, il est sur que les derniers encore présents à lever le coude se font plus facilement remarquer...

Je n'ai pas souvenir d'avoir vu un seul "Big shit" ou grief à ton encontre, t'entendais-tu bien avec tout le monde systématiquement ? Est-ce dû à une certaine distance de ta part ?

La plupart des échanges houleux étaient déclenchée par des histoires d'ego, caractéristique surtout développée chez les déplombeurs. Or je ne les fréquentais pas ou peu. Quand quelqu'un se contente d'aider les autres et d'essayer de faire une production sans attendre quelque chose en retour ni "s'afficher", je vois difficilement ce qu'on pourrait lui reprocher.

Après l'aspect humain, l'aspect technique maintenant : quels étaient tes outils favoris ?

Merlin pour la programmation.
Sourceror pour la reconstitution de sources.
Shrinkit pour le gestionnaire de fichier ProDOS, COPY II+ 5.5 pour la partie DOS.
Extasie, Dazzle Draw pour le dessin en DHGR.
Blazzing Paddles pour le dessin HGR.
Electric Duet pour la musique.
Locksmith Fast Copy 6 pour le swapping.
Disk Fixer et COPY II+ pour le hack des floppy disks.
Plein d'autres que j'utilisais de manière occasionnelle.
Pour le reste, des outils personnels.

Je suis resté attaché très longtemps au DOS 3.3 et à ses dérivés. Ce n'est que lorsque j'ai fait l'acquisition de matériel de stockage de masse que je me suis intéressé au ProDOS.

En dehors du développement spécifique de Muryaden (dont nous reparlerons par la suite) passais-tu beaucoup de temps sur ton Apple II ?

J'ai effectivement passé pas mal de temps en bidouillages, réussis ou pas. Mais comme les autres djeuns, je ne faisais pas que cela non plus. Lire, les sorties ciné, etc.

Il n'empêche que mon père s'est au moins deux fois interrogé sur la nécessité que j'aille consulter un psycho-machin à cette époque. Sur le coup, ça m'a bien faire rire. Avec le recul, on mesure l'importance du fossé qui peut exister d'une génération à l'autre. Mon père étant allergique à tout objet technologique, y compris dans les années 80 au maniement d'un magnétoscope ! Son hobby, c'est le jardinage... J'ai été scié quand ma mère m'a appris récemment qu'il daignait à présent s'asseoir derrière un ordinateur pour consulter ses actions en bourse ! ! ! Comme quoi il n'y a pas d'âge pour changer... à moins que la situation boursière soit à ce point désastreuse !

Sur la fin, n'as-tu pas été tenté de passer au IIGS comme certains, pour prolonger l'aventure Apple II un peu plus longtemps ? Pourquoi cela ne s'est-il pas fait ?

Le IIGS coûtait toujours assez cher quand plusieurs de mes contacts ont effectué leur migration. Je ne les ai pas suivi. Je me souviens que LoGo m'avait encouragé à acheter un UC de GS (je dois encore avoir sa lettre de l'époque). Plus tard, Zardos m'a donné un exemplaire du IIGS Firmware Reference et j'ai acheté d'occasion les 3 volumes du IIGS toolbox reference. Le fait est que cette lecture m'a cassé les pieds et je n'ai tout simplement pas suffisamment accroché. Me retrouver avec une boite à outils livrée avec la machine alors que j'avais pris l'habitude de coder moi-même, peut-être ai-je eu le sentiment de perdre ma liberté.

Sur quelle machine es-tu finalement passé ensuite et à quelle époque ?

Au milieu des années 90, j'en ai eu marre d'utiliser ma carte Appletell et mon modem Digitelec pour les connexions aux serveurs de services Télétel. Le débit n'était plus supportable. Tout en conservant mes machines Apple II, j'ai investi dans un PC sous Windows 95. En 1996, j'avais un modem suffisamment performant pour lire les newsgroups Apple II et faire des téléchargements de disques images. Et la machine me permettait de faire joujou avec les émulateurs Apple II disponibles.
Puis j'ai upgradé vers Windows 98SE. Mon PC a évolué en fonction de mes achats de pièces détachées chez les chinois en face du Surcouf de Daumesnil dans le 12ème arrondissement parisien. Il y a eu des va et vient Windows/Linux (à partir de la Mandrakelinux 5.1) en fonction des compatibilités hardware et de mon humeur, pour finir avec des disques durs extractibles en tiroir. J'ai gardé cette machine très longtemps.

En 2007, je me suis payé un PC HP pour le boulot et j'y ai ajouté un tiroir HD pour switcher entre le Vista d'origine et une distribution Mandriva. La dernière installée est la 2010.1. Je n'utilise quasiment plus Vista, à part quand j'ai un scan à faire. Par contre j'emploie linux pour effectuer quelques développements et tests en java quand j'ai le temps.

Ce n'est qu'en 2008 ( ?) que j'ai acheté mon 1er imac 20" intel alu. Pour répondre aux besoins de ma compagne, je lui ai laissé pour m'en acheter un autre en 2009. Pour le nomadisme et les vacances, mon eeepc 901 (2008 ?) fait toujours l'affaire.

Bref, du moment que la machine répond au besoin, je me fous de l'OS qui la fait tourner. Je ne suis pas le dévot d'une chapelle en particulier. D'ailleurs, cette polyvalence m'a été utile.

As-tu connu depuis, une passion pour une autre machine de l'ampleur de celle éprouvée pour l'Apple II ?

Clairement non. Mais je dois aussi reconnaître que c'est la seule pour laquelle je me sois autant investi. Elle a un côté "taille humaine" et sa prise en main s'en trouve autrement plus facilitée qu'avec un monstre moderne.

As-tu été actif dans un autre Underground quelconque ?

<rien à dire>

La saga Muryaden :

NDR : Jean-Marc a passé beaucoup de temps à détailler sur son site la genèse et le développement de Muryaden. J'ai toutefois voulu revenir avec lui sur certains points.

Quand tu as commencé le développement du premier Muryaden, avais-tu une idée de la complexité et de l'ampleur de la tâche à accomplir ?

Mon ami Elrik et moi-même avons commencé à faire séparément des ébauches de jeux en 1987. Mais le véritable début de l'association a débuté à l'été 1988.
Muryaden I a été produit de juillet 1988 à mi 1989.
Muryaden II a demandé plus de temps : de juillet 1989 à fin 1991.
A la base, il ne s'agissait que d'un petit projet de vacances qui aurait dû nous occuper qu'un seul été. Il n'y a pas eu de réflexion préalable et on s'est lancé dans cette collaboration pensant qu'avec la répartition des tâches connues (lui le fonctionnel des combats et leur implémentation en BASIC et moi l'aspect technique de l'ensemble en langage machine), cette complémentarité (et donc quasi autonomie) aurait permis d'avancer plus vite qu'en solo. Or il y a un certain nombres d'éléments annexes qu'il a bien fallu mettre au point avant de commencer la réalisation proprement dite, à savoir le scénario, le graphisme, la cartographie, les caractéristiques chiffrées du monde, ... Et tout cela est consommateur de temps, surtout que nous n'avions pas d'outils dédiés pour cette phase d'informatisation du background.
Pour Muryaden I, on a fait l'impasse sur des points qu'on aurait pourtant voulu avoir tout de suite mais nous avons jugé plus raisonnable de les implémenter ultérieurement dans un autre jeu quand nous aurions réussi à accoucher du 1er volet. Ceci concerne typiquement des sprites dédiés, les villes pouvaient s'explorer comme l'extérieur et les donjons, ...

Donc pour répondre à ta question, ce n'est qu'aux pieds de la montagne que nous avons pu nous rendre compte de la tâche à accomplir.

As-tu envisagé à un moment (même vaguement) pouvoir commercialiser le jeu ? Etait-ce un des rêves de départ ?

A cette époque (1988), le marché de l'Apple II était déjà mort en France depuis plusieurs années et outre Atlantique, il y avait déjà une raréfaction des productions des majors du domaine sur cette plateforme. L'objectif était uniquement de s'amuser sans aucune prétention commerciale.

Muryaden II est (logiquement) plus ambitieux que le premier, qu'est ce qui a principalement changé dans la façon d'appréhender le projet entre le premier et celui-ci ?

Une première expérience est forcément enrichissante quand on doit remettre les couverts. Moins de temps perdu à tergiverser sur telle ou telle caractéristique. Des choix avaient déjà été pris et s'étaient avérés payants, ce qui nous faisait gagner du temps. Il y a eu moins d'allers/retours sur l'aspect organisationnel. Les décisions étaient prises plus rapidement. Le système d'exploitation était déjà OK (RDOS trafiqué). Depuis Muryaden I, je maîtrisais mieux le langage machine et l'assembleur Merlin.

Entre le début de la réalisation du 1er volet et son achèvement, j'ai énormément gonflé ma liste de contacts, ce qui m'a permis déjà de "recruter" un graphiste pour le 2nd volet : Diabolik / Eddie Slayer. Nous étions en contact pour des échanges de softs et il s'est spontanément proposé. La conception d'outils pour les sprites a permis d'étendre la richesse visuelle en un temps "décent". Diabolik a quitté la scène Apple II assez rapidement, suite à l'achat d'un Atari 520ST (puis d'un Amiga). Mais nous avons eu la chance qu'il ait bien voulu continuer à nous aider après son acquisition (il avait gardé son Apple II et quelques softs de cette plateforme). J'ai néanmoins dû reprendre une partie du travail créatif par la suite mais son apport au final a été plus que déterminant.

Un travail pénible a consisté à faire le tri dans tout ce que nous avions à disposition (surtout pour les sprites) pour ne garder que le nécessaire, en gardant à l'esprit que les sprites conservés devraient tenir en mémoire. Malgré cela, le projet ayant pris de l'ampleur, il a fallu accepter l'idée de faire un jeu nécessitant 128k (contre 48k pour Muryaden I). Les banks et la ram auxiliaire ont été utilisés pour stocker tout ce supplément de datas.

À propos du développement, tu insistes sur le fait que cette expérience t'a permis d'apprendre à finir un projet coûte que coûte, doit-on en déduire qu'il a fallu parfois s'accrocher et se forcer à aller de l'avant ? N'as-tu jamais été découragé ?

Elrik bûchait à son école polytechnique et sur la 2nde année (fin 90 à fin 91), j'étais le seul à faire avancer le projet. J'ai effectué mon service militaire pendant cette période là (à l'époque où le service durait un an et était obligatoire). Mon Apple II se trouvait à Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine et moi en Allemagne, en pleine forêt noire. Ce n'est que lors de mes permissions (c'est à dire un à deux week-end max par mois) que je me consacrais à Muryaden II. Après un trajet ferroviaire de plus de 7 heures (rien que pour un aller simple) dans un train militaire aux wagons surchargés en nuages de tabac (l'enfer pour un non fumeur comme moi), je m'enfermais dans ma chambre pour ne faire que la saisie cartographique avec les outils que j'avais développés. J'en ai bavé, à raison d'une carte par week-end en bossant une partie de la nuit. Puis il y a eu la phase de tests...

Plus personne n'attendait le 2nd volet et j'ai dû cravacher dur pour ficeler le projet : comme souvent, ce sont les 10 % qui restent qui sont les plus difficiles à finaliser. Elrik ne risquait pas de m'aider puisqu'en 1991, il avait choisi de bénéficier d'une offre d'Apple qui vendait des mac LC en effectuant une remise en échange de la reprise des anciennes machines. Il n'avait plus son Apple IIe. Il croyait que la carte d'émulation Apple IIe pour mac allait être disponible rapidement, mais ça n'a pas été le cas.

Oui, j'ai eu des moments de grandes solitudes lors des tests, quand le jeu se plantait après 2 heures d'utilisation lors d'un combat, sans avoir de piste à suivre ni le soutien du responsable du code BASIC.

Je pense qu'Elrik a été étonné quand je lui ai annoncé que je l'avais fini. Probablement parce qu'il n'y croyait plus trop lui-même et ne savait pas le temps que j'avais investi dessus. Et aussi parce qu'il savait qu'il devait rester des bogues dans les combats, bogues qu'il n'avait pas l'intention de corriger car le nombre de cas de tests était beaucoup trop important pour effectuer toutes les vérifications.

Avec le recul, que penses-tu du résultat ? Y'aurait-il des choses que tu ferais différemment ?

Pour une production non commerciale, Muryaden II est de bonne facture je trouve. J'ai vu des jeux commerciaux moins biens.

Le problème est plus lié à la plateforme et surtout au langage BASIC. Il est clair par exemple qu'avoir un langage gérant des variables globales et locales aurait permis d'éviter des effets de bord. Je pense qu'Elrik a dû un peu se noyer dans ses routines. Il faut voir la tête de certaines de ses fonctions DEF FN ! On se retrouve vite limité par la machine dès que le projet devient un peu complexe. Et puis sans débogueur sérieux, on n'est pas aidé.

Elrik ne maîtrisait pas non plus certains aspects du BASIC. Par exemple, au début nous rencontrions des OUT OF MEMORY ERROR et Elrik prétextait que c'était dû à la gestion des variables par la ROM. Or en traçant son programme BASIC principal, je me suis rendu compte que certains sous-programmes appelés par un GOSUB ne finissaient pas par un RETURN. Ils repartaient vers la boucle principale via un GOTO dans certains cas de figure. Evidemment l'adresse de retour du GOSUB étant mémorisée en pile, au bout d'un certain temps, en fonction des situations de combat et des choix du joueur, la pile atteignait sa limite et le programme plantait.
Il aurait fallu un langage plus structuré (et un esprit plus rigoureux). Il en existait quelques-uns mais du coup, on n'aurait pas eu suffisamment de mémoire (runtime oblige) et contrairement au BASIC APPLESOFT, on n'aurait pas eu connaissance de l'utilisation de la page zéro.

As-tu le sentiment qu'il a manqué quelque(s) chose(s) au projet pour véritablement aboutir ?

Plus de temps libre et davantage de testeurs, cela ne fait aucun doute.

Est-ce que tu n'as pas le regret d'y avoir consacré trop de temps, temps qui aurait pu être utilisé pour autre chose à l'époque ?

Non, car je n'avais pas trop la volonté de m'investir dans autre chose à l'époque. Quand quelque chose te plait, tu ne te poses pas ce genre de question.

Muryaden III (ou un autre jeu) était-il dans les cartons ?

Après Muryaden II, était prévu Brazil, un autre jeu de rôle (toujours), mais en DHGR cette fois. Il me manquait juste un graphiste et le remplaçant d'Elrik. Autant dire mission impossible en 1992. J'avais essayé de trouver un graphiste via une production : "Brazil Help Disk" contenant deux éditeurs DHGR de sprites, un pour le mode 560x192 en monochrome et un pour le mode 140x192 en 16 couleurs. Mais ce n'était plus une compétence qui courrait les rues... tout au moins sur cette plateforme désertée.

L'univers de Muryaden (et tu le dis toi-même), était un rejet du manichéisme bien pensant de la majorité des jeux de l'époque. As-tu l'impression que ce phénomène a évolué dans le jeu vidéo qui a connu, depuis, une véritable explosion auprès du grand public ?

Les éditeurs naviguant dans les eaux tumultueuses du marché informatique ludique ne sont pas des associations caritatives.

Pour qu'il y ait des ventes rendant l'opération rentable, il faut déjà un marché conséquent. Partir sur un créneau restreint du fait de la nature du scénario (sexe, déviance, violence, ...), c'est déjà un pari risqué qu'il est difficile d'accepter quelque soit la situation (quand ce sont tes thunes qui sont engagées ou quand tu as des comptes à rendre à ceux qui te confient un budget).

Je comprends que les éditeurs n'aient pas envie de se mettre des associations sur le dos et adoptent de ce fait des scénarios plus classiques. Ça donne un créneau à l'Underground ;-)

Pour l'anecdote, dans Muryaden 1, après avoir terminé le jeu, il est toujours possible de continuer à se balader. En cas de combat, la princesse récupérée apparaît dans la liste des objets et ... est utilisable contre les monstres. La drôlesse ne ménage pas sa peine, ni... sa personne. Je vous épargne les commentaires salaces affichés par le jeu ! ! !

Joues-tu toujours aux jeux vidéo ? Quel est le dernier jeu t'ayant particulièrement marqué ?

Arf ! La dernière fois que j'ai vraiment joué (accroc), ça remonte à 1998. À l'époque, j'avais fini "Total Annihilation" de Cavedog Entertainment, et ce deux fois : dans le camp "Core" et dans le camp "Arm".
Le dernier jeu de rôle que j'ai fini, c'est... "Ultima III". Oui, quand j'ai testé que ma version ProDOS fonctionnait correctement jusqu'au bout.

Et enfin, ton avis sur une série qui a grandement influencé Muryaden : Ultima ?

Une série légendaire ayant fait le bonheur de notre génération de joueurs rôlistes. Ma remarque se limite aux versions sorties sur Apple II. Je n'ai connu que les épisodes 1 à 5. Si j'avais eu le budget pour cela, indéniablement ces titres auraient figuré parmi les rares softs que j'aurai achetés. Le facteur "durée de vie" est un élément déterminant dans mes choix.

Ton épisode fétiche ? Et que penses-tu de la piteuse fin de la série avec un épisode 8 en demi-teinte et un 9 totalement raté ?

J'ai surtout apprécié les épisodes 3 à 5, avec une préférence pour le dernier. Bien plus tard, j'avais acheté un original d'Ultima 8 pour PC. Je ne crois pas avoir joué plus d'une demi heure avec. J'avais l'impression de me retrouver sur un jeu d'arcade ! Il a fini en don avec d'autres jeux en boites sur le forum de Silicium.

Le collectionneur :

Qu'est-ce qui t'a donné envie d'avoir une collection ? Et à quel moment l'as-tu commencée ?

Ce n'est pas quelque chose qui s'est décidé du jour au lendemain et l'origine est multiple. Je n'ai plus le souvenir de la chronologie, aussi voici quelques éléments :

L'optique programmation :

L'achat de certains matériels a été réalisé uniquement pour me permettre de développer plus rapidement, une configuration de base ne me donnant pas satisfaction en terme de performance. Par exemple, dans le cadre d'un achat groupé chez Quality Computers (avec Jack), j'ai fait l'acquisition d'une zip chip 8000 pour que l'assemblage de mes gros sources prenne moins de temps. Cette puce était terrible question performance mais malheureusement elle s'est mise à déconner à peu près 2 ans après. Dommage car je pense que la zip chip était vraiment un produit extraordinaire.
Étant aussi confronté à la faible capacité des lecteurs 5,25", j'ai complété ma configuration avec des lecteurs 3.5" et des disques durs.
Mon 1er disque dur a été un don. J'ai le souvenir qu'un gars de ma session de DUT m'avait un jour donné un ProFile, matériel dont je ne connaissais rien. Il m'avait ramené ce monstre en cours en m'affirmant qu'il provenait d'une société se débarrassant de matériel n'étant plus utilisé. Je m'étais dit "Wouah, avec une taille pareille, il doit avoir une capacité de stockage de fou". Je suis alors parti à la recherche d'un contrôleur pour le connecter à ma machine. Le seul que j'ai pu trouver m'a coûté 700 francs français à l'époque (pour une carte complète en boite mais d'occasion). Ça m'avait ennuyé de mettre autant pour une carte alors que j'avais obtenu le ProFile gratuitement mais bon... Une fois connecté et booté, je n'en croyais pas mes yeux : un monstre pareil ne proposait que 5 megas : j'étais vert pour mes 700 francs ! ! ! Il est apparu que ce disque dur provenait de la RATP et avait servi sous le système d'exploitation SOS. Je me suis rappelé qu'effectivement pendant un temps quand je passais dans le grand Hall du RER A à la station Auber, on pouvait voir dans des kiosques en forme de "bulles" des Apple III avec ces ProFiles. Je me suis quand même servi de la "bête" pendant plusieurs mois avant d'y renoncer pour cause de vacarme insupportable.

Le matériel de rechange :

D'un voyage en Chine, mes parents m'avaient ramené un lot de cartes Apple II achetées au Golden Computer Center d'Hong Kong. Parmi le lot, il y en avait 2 que je voulais absolument voir tourner : une carte RamWorks II 1 méga et une contrefaçon de carte accélératrice Titan. La particularité de la RamWorks II, c'est que les rams sont placées horizontalement, rendant la carte très longue. Longue au point de ne pas tenir dans un boîtier d'Apple IIe français car contrairement à la carte mère américaine, le slot 3 pour l'extension mémoire n'est pas déplacé et en retrait sur la gauche. N'ayant pas envie de scier mon boîtier, j'ai fini par acheter à un contact de RTEL (pseudo Criss) une carte mère asiatique (clone d'une carte mère US). Ce n'est que plus tard que j'ai acheté une RamWorks III qui, elle, avait les rams placées verticalement pour pouvoir rentrer dans les machines européennes.
Tout marchait nickel avec ma RamWorks II mais quand j'ai voulu essayer la carte accélératrice avec ma carte mère FR, mon ordinateur n'a plus voulu démarrer.
J'avais eu peur d'avoir bousillé ma machine avec ce clone de carte Titan (d'ailleurs j'ai appris ensuite qu'il existait un modèle pour IIe et un autre uniquement pour II/II+ et je ne savais pas à quel modèle correspondait cette carte "pirate"). Ce n'est que le lendemain que mon ordinateur a bien consenti à vouloir redémarrer. Cet épisode m'a marqué et c'est à partir de ce jour que j'ai commencé à récupérer des UC pour pouvoir remplacer ma machine courante si elle venait à rendre l'âme pour de bon. La Titan clonée, quant à elle, est un jour partie en don (n'ayant plus jamais essayé de la faire fonctionner).

L'achat de lots :

Pendant un temps, j'ai écumé les petites annonces sur le newsgroup comp.sys.apple2.marketplace. Il m'est arrivé plusieurs fois d'acheter des lots de cartes différentes alors qu'une seule m'intéressait. Je n'ai pas cherché à revendre les autres qui sont donc restées dans ma collection.
Même genre de chose sur eBay. Il m'est arrivé plusieurs fois de "bidder" sur une enchère d'un vendeur. Puis me disant qu'après tout, s'il avait d'autres produits à vendre, je pouvais toujours essayer de les acheter, ça m’éviterait ainsi de payer de nouveau des frais de port. Bien souvent ces "bids" supplémentaires étaient pour le fun car le matériel ne m'intéressait que moyennement. Au final, je me faisais "avoir" car je perdais l'enchère qui m'intéressait et remportais celle voire celles sur lesquelles j'avais misé sans plus de conviction que cela. Je me retrouvais encore avec du matos sur les bras sans finalité précise.

Les achats compulsifs :

eBay peut devenir une drogue. J'y ai acheté pas mal de trucs dont en fait je me foutais royalement. Au final, j'ai empilé plusieurs cartons de trucs qui probablement ne me serviront jamais.

Depuis quelques années, il y a une frénésie autour de la marque Apple et les prix flambent. Que penses-tu de cela ?

Le matos Apple II n'a été que rarement bon marché. Il y a des cycles où les prix atteignent des sommes ridicules à cause d'évènement comme la disparition de Steve Jobs. Mais d'une manière générale, sur eBay, c'est un peu aléatoire. Un accessoire peut atteindre plusieurs centaines de dollars US un jour et partir pour moins de 100 la semaine suivante. Il n'y a pas vraiment de règle. Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas la bonne période pour faire ses emplettes. Par exemple, en ce moment, j'aurai du mal à trouver un IIGS Woz Edition à 9,5 dollars US comme je l'ai fait en 2003 !

Maintenant qu'un type mette des milliers de dollars ou d'euros sur une vieille machine, ça me dépasse. Tout comme me dépasse aussi de mettre des sommes folles pour un sac à main ou une paire de chaussures ;-)

Mais bon, s'ils ont le pognon, grand bien leur fasse. Je suis juste curieux de savoir ce qu'ils en font après (à part monter une page web avec des photos du matériel et en gros le prix d'achat !).

Je me souviens avoir vu une photo sur ton site où l'on découvrait que même le boîtier du compteur électrique servait de refuge à un Apple II ! Ta collection est effectivement extrêmement conséquente, comment gères-tu le "Wife Acceptance Factor" ?

Je ne rencontre actuellement aucun souci de cette sorte car ma collection Apple II n'est pas stockée sur le lieu de résidence de ma petite famille mais sur mon "pied à terre" parisien.

Quelle est la pièce dont tu es le plus fier ?

Je ne me suis jamais posé cette question sous cet aspect là, n'étant pas vraiment collectionneur dans l'âme. Je glane au cas où cela me serve un jour. J'ai plus une approche "outillage utile".

De toute façon, aujourd'hui, je préfère largement faire du DEV sous émulateur, aussi une configuration Apple IIe sommaire est largement suffisante pour les tâches de base (tests de softs ne fonctionnant pas sur émulateur, création d'images disk, ...)

Bon, si tu veux une carte bien précise, je ne t'en donne qu'une. Tu vas voir, ce n'est pas du vintage ! Ce qui me sert le plus, ce sont mes CFFA. Je n'utilise presque pas le matériel qui coûte cher comme mes cartes SCSI par exemple (RamFast et Apple High Speed SCSI).

Considères-tu tout cela comme un investissement ?

Non pas du tout, il ne s'agit ni plus ni moins qu'un passe temps et rien d'autre. Je ne me fais pas d'illusion : dans 10 ans, le hardware de base (UC) ne fonctionnera plus (et contrairement à certains, je n'ai aucune compétence pour effectuer les réparations). Les logiciels originaux sur disquettes finiront par ne plus être lisibles.
J'en ai pour preuve la visite fin 2010 de Deny (ACS) qui est venu chez moi emprunter du matériel et des logiciels originaux pour l'amusement de ses convives de la FTA Wormz Party. Et bien sur les 4 à 5 machines que nous avons testées en début de soirée, une seule fonctionnait encore correctement (un GS). Et pourtant elles tournaient toutes encore sans souci il y a 4 ans.

Pour parler d'investissement, il faudrait qu'il y ait des acheteurs potentiels intéressés. Or j'ai le sentiment qu'une très large majorité des acheteurs d'aujourd'hui sont des personnes ayant connu cet univers au temps de la vie commerciale de la machine. Et ce nombre de personnes va décroître au fur et à mesure que la faucheuse fera sa moisson.

Serais-tu un jour capable de tout vendre ? Ou as-tu déjà dans l'idée de transmettre le tout, un jour, à ton fils ?

J'ai aujourd'hui un stock de cartes qui ne me sert à rien (genre cartes pour imprimantes ou cartes "gadget" qu'il est amusant de tester une fois et qui, dans le fond, n'ont pas de réelle utilité). Je ne sais pas trop ce que je vais faire de tout ce bordel. Pour l'instant, ça reste dans mes cartons au cas où un projet en nécessite l'usage.

Mon fils aura ses propres jeux et ce sera bien ainsi. À chaque génération ses centres d'intérêts. Mon père n'a jamais capté pourquoi je passais du temps devant un ordinateur et peut-être aurais-je aussi de l'incompréhension sur les occupations futures de mon fiston.

Continues-tu à collectionner le matériel autour de l'Apple II ? Et si non, pourquoi ?

Cela va faire plusieurs années que j'ai sérieusement levé le pied. Pour des raisons budgétaires et parce que mettre de l'argent dans des achats dont je ne vois pas la couleur (vols par des postiers, vols dans ma boite à lettre, vendeurs indélicats), ça a tendance à me mettre en rogne.

Quelle est la pièce que tu rêves (ou aurais rêvé) d'avoir un jour ?

Je n'ai pas ce type de rêve matérialiste. Je rêve à du temps libre pour pouvoir reprendre mes activités Apple II ! Un changement de travail pourrait aussi régler la question, mais je n'ai pas encore trouvé.

Le site Web "Underground //e" :

Pour avoir un ordre de grandeur, as-tu une idée des visites mensuelles sur ton site ? De manière générale, te soucis-tu des stats ?

Mon site est hébergé chez Free depuis des années mais je ne suis plus client chez eux.

Un petit historique :

Mon compte Free date de l'époque où ce FAI proposait un accès gratuit 56kb avec un service de messagerie et un peu d'espace d'hébergement. J'y avais souscrit en remplacement de magic.fr qui était payant. L'espace libre alloué par Free s'est agrandi avec le temps, et j'ai fini par devenir client chez eux en optant pour leur offre ADSL. À cette époque, il y avait des infos de stats disponibles. Je les regardais de temps en temps quand un pic du compteur survenait, ceci afin de consulter les origines (pays) des internautes visiteurs. J'ai quitté ce FAI pour le remercier d'avoir refusé de me rembourser une période d'abonnement pendant laquelle l'ADSL a été coupé de leur fait (ils l'avaient pourtant reconnu par écrit). Depuis ce "bye bye", évidemment, il n'y a plus de stats.
Le site est toujours hébergé là-bas (le compte d'origine étant indépendant de l'abonnement à l'ADSL). Et il le restera jusqu'à ce que leur politique change et qu'ils me virent. J'ai évidemment un backup sur disque dur en cas de dynamitage sans préavis de leur part.

Le nom en lui-même est suffisamment éloquent, pourquoi une si grande place donnée à l'Underground ?

C'est au travers de l'Underground Apple II que j'ai vécu le meilleur de ces années là.

Les débuts datent de 2004, une raison particulière pour l'avoir commencé à cette époque ?

Depuis quelques années déjà, le matin, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, il m'est difficile de ne pas voir les ravages du temps lorsque je saisis mon rasoir. J'essaie de penser à autre chose qu'au triste spectacle de ma gueule défaite renvoyé par mon miroir, aux problèmes de la veille et aux emmerdes de la journée à venir. Après une séance de balayage mental, façon Daniel Odier, j'essaie de me remémorer des moments agréables et dans la catégorie "loisir et insouciance", l'Apple II et son underground figurent en bonne place.

Il faudrait demander aux autres administrateurs de site, ce qui a motivé leur démarche. Je ne serais pas étonné que d'autres te disent aussi qu'à un moment de leur vie, ça fait du bien de se retourner un peu en arrière avant de continuer son chemin. Demande donc à The Gog's et Deny pourquoi ils ont organisé la FTA Wormz Party.

En 2004, il n'existait que très peu de sites francophones orientés Underground Apple II. Parmi eux, il y avait celui de mon ami THRY2 alias The Lonesome (Hey man, tu pourrais me passer de tes nouvelles de temps en temps ! !). Ce site apple2forever.free.fr n'est aujourd'hui plus en accès libre et sa version www.apple2forever.net a disparu de la toile. J'ai eu envie moi aussi de me faire un petit site dédié à notre passe-temps de jeunesse.

À l'époque, je travaillais pour un grand compte et je m'emmerdais ferme. Ayant pas mal de temps libre, j'en ai profité pour apprendre rapidement un peu de html et j'ai monté quelques pages pour tester les balises apprises. C'est parti ainsi.

À la lecture, j'ai le sentiment personnel que le ton a changé avec les années, il semble être devenu plus sérieux, moins "badin". En as-tu conscience ?

Je n'y ai pas porté attention. J'essaie juste d'étoffer davantage les articles édités plutôt que de placer du texte brut récupéré sur des disquettes de l'Underground. J'ai essayé de produire aussi quelques articles personnels sur des points techniques. C'est forcément moins léger que des éditions de bafouilles d'adolescents.

À propos des interviews d'anciens pirates, parmi ceux ayant accepté, as-tu senti une réelle volonté de leur part de parler, voire même un besoin  ? Les égos sont-ils toujours aussi sur-dimensionnés, presque 30 ans après ?

Tu connais le proverbe "l'appétit vient en mangeant", et bien ça a été la même chose dans l'ensemble, serais-je tenté de dire. Il y a des égos constructifs que j'apprécie (comme Lot) et des égos destructifs (Loockheed). Ce dernier a été aussi pressé de partir qu'il l'était de parler ! Avec Blacky, je me suis régalé. Un gars sympa, accessible et très humble. Sans compter l'intérêt de son jeu.

Est-ce que le déroulement des interviews s'est avéré laborieux (fallait-il leur tirer les vers du nez par exemple) ou s'est-il effectué le plus simplement du monde ?

Il y a eu de tout. Certains pas très loquaces et d'autres en verve. Le grand écart aussi sur les durées. De deux semaines (si je me souviens bien) à plus d'un an d'attente pour obtenir un questionnaire rempli (pour Mister Z dans ce dernier cas). Il faut savoir être patient, ça finit par payer. Je crois que mon engagement de confidentialité en a rassuré certains alors que d'autres en avait rien à cirer. Pour Numéro 6, je t'avoue que j'ai été embêté de laisser son nom. C'était sa volonté. J'ai dû lui demander confirmation, ne comprenant pas trop ce que cela apportait. Avec le recul, je pense par ailleurs que cela n'a pas d$u plaire à une autre personne avec qui j'avais des échanges réguliers et qui a fait le mort après cela. Mais bon, au final, j'aime bien cette interview de notre prisonnier national et je ne regrette pas.

Suite à la publication des interviews, j'ai eu des demandes d'adresses mails (de crackers) au moins une dizaine de fois (principalement pour savoir comment joindre Aldo Reset). Je les ai toutes rejetées.

Quant à ceux ayant refusé l'interview, quelles ont été les raisons invoquées ?

THE GOG'S :

Il y a à présent longtemps de cela, j'avais contacté The Gog's pour une interview. Mais il venait d'être papa (pour la seconde fois je crois) et le contexte ne s'y prêtait guère (fatigue, manque de temps - des trajets à l'international il me semble de son côté). Je me demande même si je lui avais envoyé la liste initiale de questions. Je ne crois pas. L'intérêt de l'interview d'Olivier aurait surtout été son point de vue sur le piratage des produits qu'il avait sorti avec son ancienne boite (celle de Nick GS), les protections utilisées s'il y en avait et son attitude face à des personnes distribuant ses logiciels en gardant à l'esprit qu'il avait lui-même fait la même chose dans sa jeunesse.
Par ailleurs, comme il s'occupait de recrutement pour cette structure, c'était aussi l'occasion de savoir s'il avait vu passer d'autres "anciens" (et si avoir été un cracker pouvait être un plus, dans le sens où il faut être d'avantage au courant des arcanes du système).

THE SOFTMAN :

Lorsque j'avais été contacté par The Softman, je m'étais dit qu'il y avait là matière à écrire quelque chose d'intéressant à plus d'un titre. Tout d'abord, alors que l'APP (Agence de Protection des Programmes) cherchait à coincer des pirates, comment The Softman avait-il pu être contacté par un/des journalistes et passer dans un reportage TV en train d'effectuer un crack de Conan ?  D'ailleurs ce "crack" faisait un peu cinématographique (de mémoire).
J'aurais aimé aussi savoir s'il avait été inquiété par la suite. Ma question vient du fait que j'avais aussi été contacté par un ancien du groupe Solex Crack Band (également passé dans ce même reportage) et il m'avait indiqué qu'une descente de police avait eu lieu le lendemain matin suivant la diffusion. Et pour le Solex Crack Band, ça avait été un choc. Pour l'anecdote, un des membres était issu d'un milieu "en vue" et voir débarquer les flics à 6 heures du matin avait engendré quelques tensions familiales...

Sachant que The Softman était par la suite passé du côté des éditeurs, est-ce que ce revirement avait été une conséquence de cela ? Et comment il avait réagi suite à la diffusion d'une version crackée du soft qu'il avait protégé pour cette société, crack incluant une galerie de clins d'oeil de ses anciens "collègues" déplombeurs.

Mais The Softman était surtout motivé pour une reprise de contact avec un autre cracker dont était parue l'interview. The Softman a fait le siège de ma messagerie jusqu'à ce que l'intéressé rentre de congés et lui écrive à l'adresse email qu'il m'avait demandé de "forwarder". Pendant la phase d'attente, il avait accepté le principe de l'interview mais dès que son ami l'ancien cracker lui a répondu, il n'avait plus le temps ni l'envie. Il a néanmoins lancé une invitation à aller boire un verre ou pour un déjeuner (je ne sais plus), offre que j'ai déclinée.

CHIP SELECT :

Certes, il y aurait eu déjà beaucoup de choses à dire sur ses activités de déplombeurs mais ayant appris qu'il avait écrit un jeu pour Apple II (soft non distribué), j'aurais essayé d'en savoir plus et éventuellement joindre à l'interview des copies d'écrans. J'avais récupéré son nom et j'aurais pu faire des recherches sur internet, mais j'ai traîné et ça ne s'est finalement pas fait. De toute façon, il n'y avait aucune garantie que l'exercice l'aurait intéressé. J'ai appris qu'il était présent à la FTA Wormz Party, et j'espère que d'autres ont pu glaner des infos intéressantes. Il faudrait demander à LoGo qui, je le sais, s'est entretenu avec lui.

Il existe une photo cool, que j'ai vu passée, avec 3 grands noms de la déplombe d'alors. Pour l'anectode, à la belle époque, Apple avait fait placarder une affiche d'appel à la dénonciation contre les pirates, procédé anglo-saxon guère apprécié et accepté/suivi en France (la dénonciation était rétribuée par une somme assez rondelette). Cette affiche, un ancien pirate en avait piqué un exemplaire et me l'a montré lorsqu'il est venu me voir chez moi. Depuis, l'envers de cette affiche s'est "enrichi" de la signature d'un bon nombre d'anciens déplombeurs et hackers de l'époque, dont très probablement Chip Select. Un collector Apple II rarissime ;-)

COPPERFIELD :

Quasiment tous les anciens pirates ont arrêté leurs activités. De ce fait, leur point de vue sur le piratage n'est pas nécessairement en phase avec ce qui se fait de nos jours. J'ai eu à quelques années d'écart deux salutations de Copperfield, un ancien déplombeur du groupe The Brain Trust. À ce que j'ai compris, il est toujours fortement impliqué dans un Underground. Mais un contact erratique ne permet pas de construire une interview qui tienne la route. Dommage, mais j'ai passé l'age de courir après les fantômes.

De toute façon, je ne suis plus intéressé par les interviews de crackers. J'estime grosso modo en avoir fait le tour, le feu d'artifice final ayant eu lieu avec Numéro 6.

Quand on lit le livre d'or, tous les intervenants (connus ou moins connus) sont unanimes : cette époque était vraiment particulière et tous en gardent un souvenir impérissable, beaucoup considérant même qu'ils n'ont jamais retrouvé cela depuis. As-tu le même avis ? Et comment peux-tu l'expliquer ?

Nous avons fait cercle autour de la machine. La "fille" était attirante, accessible, et nous nous sommes tous bien amusés. Aussi bien pour l'aspect technique que pour les liens qui se sont créés entre les membres de cette communauté. Nous avons vécu un bon moment qui restera gravé dans nos mémoires jusqu'à ce que nous devenions gâteux.

Avec le recul dû à la réalisation de ton site (recherches, interviews, découvertes, etc.), ton regard a-t'il changé sur certaines choses ou certaines personnes de l'époque ?

<rien à dire>

Aujourd'hui :

Sur quelle machine officies-tu la plupart du temps ?

Au Mans, sur imac.
À Levallois-Perret, sur PC Linux.
En déplacement/congés, sur eeePc Windows XP.
Au bureau, un mélange de Windows 7 (client) et Linux (serveurs).

Steve Jobs nous a quitté récemment, que penses-tu du personnage ?

Pas grand chose, n'étant pas un passionné de la rubrique "people" de l'industrie informatique. La société Apple a un très faible impact sur ma vie courante, aussi si je devais commencer à m'intéresser à toutes les personnes (créateur, vendeur, idéologue) ayant travaillé sur les objets me servant quotidiennement, Steve Jobs arriverait en fin de file.

J'accorde de l'importance à l'aspect comportemental des gens, et de ce côté là, du peu que j'ai pu apercevoir (que ce soit sur le site folklore.org ou par le téléfilm américain "Les Pirates de la Silicon Valley"), on ne peut pas dire que Steve Jobs ait été un modèle du genre (pour rester poli).

Lui en veux-tu (comme certains) d'avoir abandonné l'Apple II et tué dans l'œuf le IIGS au profit du Macintosh ?

Avant de voir la mort de l'Apple II, j'avais déjà eu droit à la mort d'Oric avec "son coup de tonnerre dans un ciel bleu". Il ne faut pas oublier non plus que Steve Jobs avait déjà essayé de nous fourguer une autre machine avant le mac : son Lisa.

Je travaille dans le secteur de l'informatique et j'ai vu mourir la quasi-totalité des projets sur lesquels j'ai travaillé. Aussi le "marche ou crève" ne me fait plus réagir comme ce fut le cas à mes débuts. C'est devenu une fatalité. La solution que j'ai adoptée depuis de nombreuses années déjà, est de ne plus mettre toutes mes billes dans le même panier : la chute est moins violente.

J'ai un mac, comme quoi je ne suis pas rancunier. Mais bon, je sais pertinemment que c'est un produit à durée de vie limitée, Apple nous ayant habitués au changement d'architecture, il n'y a pas de raison que le futur déroge à ces habitudes.

Que penses-tu de l'orientation de la firme depuis le tournant "iPod" ?

Mon sentiment, c'est qu'aujourd'hui Apple est un fabricant de gadgets pour geeks. Je n'ai pas l'usage de la quasi totalité de leurs produits aussi l'orientation de cette société me laisse indifférent. Pour les produits qui me sont utiles, je vais voir ailleurs...

Je constate juste que l'ambiance de type "secte" reste toujours ancrée chez les aficionados. Mais maintenant que le gourou est parti voir si ses joujoux ont trouvé un écho en Arallu (hyborien), on verra bien quelles tournures prendront les choses. Vont-ils trouver une nouvelle icône à idolâtrer ? À suivre dans les prochains épisodes.

Tu sembles un peu moins actif depuis quelques temps et moins présent. Pourquoi un tel retrait ?

Je passe une bonne partie de mes journées assis devant un écran d'ordinateur pour mon boulot. Le soir et le week-end, j'ai envie de faire autre chose. Et puis comme disait régulièrement un ancien cracker avec qui j'ai correspondu quelques mois, je procrastine...

Que penses-tu de la communauté Apple II aujourd'hui ? Comment la qualifierais-tu ?

La communauté, je ne la vois que de loin et ça me plait ainsi. J'ai de plus en plus tendance à m'isoler et à rechercher la tranquillité.

J'ai commencé à me désengager du forum Hackzapple à l'été 2010 et j'ai complètement coupé les ponts en octobre 2010, date à laquelle j'ai remis ma clef d'administrateur à Toinet. Je n'ai plus rien à voir avec ce forum même si le logo d'Underground //e y figure encore. J'avais demandé à Toinet de voir s'il était possible de mettre celui de Brutal Deluxe... mais apparemment ça n'a pas encore été fait.

Je lis moins souvent les newsgroups Apple II mais apparemment, je ne dois pas être le seul car il y a moins de messages qu'il fut un temps. Mais il reste toujours des personnes très pointues comme David Empson et Michael J. Mahon (pour n'en citer que deux), et il y a toujours quelque chose à apprendre de leurs contributions.

Il m'arrive d'être enquiquiné quand un mec m'écrit pour me demander où trouver un Apple II et si par le plus grand des hasards, je ne voudrais pas lui en céder un. Mais même si ça me gave de répondre, je le fais quand même et je l'envoie sur la baie. Il y a bien entendu des mecs genre "rapaces" et là, je ne fais plus cet effort. J'imagine que si cette interview est publiée en l'état, il y a bien quelques-unes de ces personnes qui vont se pointer en me demandant de leur céder ma collection, ça ne fait pas un pli.

Cela me rappelle une anectode que m'a raconté un ancien cracker, il y a quelques années de cela. Sa femme le menaçait de "conséquences irréparables" s'il ne se débarrassait pas d'une pile d'Apple IIGS qui devait encombrer leur demeure. Un type s'est "gentiment" proposé de l'aider à désencombrer son appart. Pour rendre service quoi. Mais bon, le gars demandait en plus que ce soit le donateur qui paie les frais de port car il estimait que rendre service était une chose mais devoir payer en était une autre... incompatible. Je pense qu'à la place de GS, il a dû se voir offrir un aller simple pour Mykonos...

Il m'arrive d'aller sur Silicium pour y lire les forums. Mais j'avoue que j'y vais surtout pour me détendre en espérant y trouver des messages de pstriolo ou etms dit "la blatte", deux personnages hauts en couleur qui, lorsqu'ils sont en forme, m'amusent beaucoup. J'aime leurs déconnades et leur sens de l'humour.

Ca m'a aussi fait plaisir de lire ton site car les articles que tu publies prouvent qu'il reste toujours des bidouilleurs sur cette machine et pas uniquement des collectionneurs qui entassent.

Reste-t'il encore, à ton avis, des terrains "inexplorés" sur Apple II (techniques de programmation peu ou pas utilisées, bidouilles matérielles) ?

<rien à dire>

Que penses-tu des périphériques ou cartes d'extension "modernes" développés sur Apple II (comme la CFFA, le SPVHD, etc.) ?

Il est sympa de voir fleurir ce type d'initiative. Néanmoins, en ce qui me concerne, même si la carte ou le périphérique a une plus-value par rapport à ce que j'ai déjà, j'attends d'avoir un retour d'acheteurs avant d'envisager d'en faire l'acquisition.

Je me suis précipité pour mes deux dernières cartes pensant qu'il s'agissait de produits prometteurs (pseudo-disk et iDisk). Or ma version de pseudo-disk est une pré-série et elle est boguée - write error en mode ProDOS (c'est non réparable : je l'avais envoyé en Bulgarie mais Vladitx n'a rien pu faire pour moi) et la seconde carte a des contraintes qui ne me plaisent pas. À plus de 100 euros pièce, ça donne à réfléchir.

Comme il s'agit de petites séries, la production est coûteuse. Et les concepteurs étant des hobbyistes, les articles n'ont pas forcément la maturité et la stabilité de cartes ayant subit des tests qualité poussés propres au monde industriel. Il n'y a pas d'autres recours que le bon vouloir du concepteur... Pour la carte pseudo-disk, Alex Freed indique qu'à cause de la faible demande, il ne compte plus rien faire pour elle. Pour l'iDisk, la production est arrêtée depuis juillet 2010.
Je note au passage que d'autres cartes ayant fait des vagues au moment de leur sortie (il n'y a pourtant pas très longtemps), ne sont quasiment plus évoquées dans les forums Apple II. Je pense à des cartes comme la "Carte Blanche" d'AppleLogic ou le clone d'AppliCard d'Alex Freed. Il faudrait demander à Antoine ce qu'il fait de sa "Carte Blanche" et ce qu'elle lui apporte.
Quand j'ai vu les retards pour cause de bogues de la dernière CFFA3000, je me suis dit que j'ai bien fait de jouer uniquement les spectateurs.

Tu es devenu papa relativement récemment, est-ce que cela a changé quelque chose sur la perception que tu as de cette époque et de l'Apple II ?

Je ne vois pas de lien entre les deux. Il y a juste une incidence sur mes activités. Avant j'avais un Apple IIe sur mon bureau au Mans. Depuis mon déménagement, il est resté dans son carton ! Et les week-ends, je sors et joue avec mon fils, quand je ne fais pas de menus travaux dans notre maison sarthoise. Un autre temps, un autre plaisir, d'autres priorités.

Quel est ton meilleur souvenir en relation avec l'Apple II ?

Le plaisir de lire mon courrier sur RTEL après avoir annoncé sur le forum *APP la disponibilité d'une de mes productions.

Et ton plus grand regret ?

D'avoir à chaque fois dû lâcher ma machine pour faire mes devoirs scolaires. Tout cela pour des études pourries "à la Française", études qui ne m'ont servi à rien.

Et pour finir, la question à laquelle tu ne pouvais échapper, même si je vais la poser un peu différemment : contre quoi à l'époque, aurais-tu échangé sans hésiter une soirée en tête à tête avec une superbe fille ?

La question que je posais aux crackers était orienté séduction, relation homme-femme et libido. Aussi ma réponse sera en phase avec ces aspects. Et la réponse est facile pour moi car, de ce côté là, je n'ai pas changé d'avis depuis la bonne époque (de l'Apple II).

Une "superbe fille", ça ne m'intéresse pas. Je n'ai pas envie d'affronter l'inévitable horde de séducteurs professionnels et autres collectionneurs de nanas, devoir passer tout mon temps à jouer les romantiques/humoristes pour conserver son attention et me battre en permanence pour la garder, ou recevoir un jour en pleine poitrine une flèche du genre "je méritais mieux que toi".

Des "superbes filles" à qui leur physique n'est pas monté à la tête, tu en connais beaucoup ?

Annexe - Le Projet DotNib :

NDR : On voit fleurir régulièrement l'idée d'un nouveau format d'image disque prenant en compte la protection des disques commerciaux Apple II. Deckard ayant lui-même initié un tel projet, j'ai profité de l'interview pour faire le point avec lui sur cet aspect.

Tu as lancé il y a quelques temps le projet DotNib. Or, en apparence tout du moins, depuis 2008, ce projet n'avance plus. Est-ce dû principalement à un manque de temps ou te heurtes-tu à des problèmes techniques ?

La vocation première de DotNIB n'est pas de créer un nouveau format mais d'upgrader SST pour ne plus avoir à manipuler des disquettes dans tous les sens. L'idée est de sauvegarder l'image NIB sur un volume ProDOS, typiquement sur un répertoire de mon disque dur. Pour mener à bien ce projet, j'ai choisi la méthode "propre" de reconstitution du source avec les commentaires et les labels EDD d'origine. Ce qui représente un gros boulot de petites mains...
Un autre format est une possibilité d'extension future en exploitant davantage les routines de EDD, mais ce n'était pas du tout dans mes priorités. Je dois bien avoir plus de 250 idées de projets dans ma liste "TO DO". DotNIB est dans le "pipe" avec une vingtaine d'autres comme lui qui ont été commencés et qui se trouvent en stand by, effectivement suite à des problèmes de disponibilités, l'Apple II étant en fin de chaîne de mes priorités.

Pour la phase 1 du projet qui m'intéresse le plus, il n'y a pas d'obstacle technique. J'ai déjà décortiqué le plus gros de SST, les sources de EDD sont dispos en PDF et les routines d'écriture du NIB vont fortement ressembler à celles utilisées pour FASTDSK, le principe restant le même.

En 2008 tu as diffusé une partie de ton travail à la demande de certaines personnes qui voulaient reprendre (et accélérer) le développement. Visiblement cela s'est terminé par un fiasco qui t'a, semble-t'il, un peu marqué. Ajouté à cela le projet FastDSK qui a connu, dans un autre registre, quelques mésaventures aussi. On te sent un petit peu blasé et dépité par le manque de soutien. Te sens-tu un peu seul dans ce travail de développement autour de l'Apple II ?

Ma "politique" courante en matière de projets Apple II se résume à ceci : ne pas me lancer dans un développement que je ne saurais pas terminer seul. Et donc, je n'attends rien de personne, ce qui m'évite des désagréments comme tu le dis.
Ça me rappelle, il y a quelques années de cela, un gars sur Silicium, qui avait un projet de francisation du jeu de rôle Ultima II. Lui avait prévu de traduire la doc et il comptait sur les autres pour effectuer les modifications dans le jeu, n'ayant pas les compétences techniques pour le faire. Autant dire que parti comme ça, un tel projet est automatiquement voué à la mort.

Pour FASTDSK, la problématique est autre. Le projet, je l'ai réalisé. Mais je suis tombé sur un type qui a organisé un concours et n'a pas jugé utile de respecter ses engagements. Bref, du foutage de gueule. Je n'ai pas apprécié et on ne m'y reprendra plus.

A présent, mes projets, je les fais avant tout pour moi, au même titre que la lecture d'un bouquin. C'est un plaisir solitaire par nature.

Antoine Vignau avait lui aussi à un moment envisagé le même genre de programme et de son côté aussi, cela semble être au point mort. Y'aurait-il une véritable impossibilité technique ? Pourquoi ne pas avoir envisagé un développement commun ?

Antoine a le don d'ubiquité. Mais comme toi, je n'ai vu que son annonce de projet de "vacances" (2010). Il me semble avoir lu quelque part que pour lui, l'année 2011 serait une année orientée développement. Je crois qu'il a beaucoup développé sa "comm" un peu partout (au niveau mondial et auprès d'anciens "noms" de l'Apple II), ce qui est en soi aussi une bonne chose pour un passe temps ne touchant au final qu'un nombre assez réduit de personnes. Ce n'est pas moi qui vais lui jeter la pierre de ne pas avoir fini ce qu'il avait prévu de faire !

À la base, c'était un projet commun, instancié sur le forum Hackzapple.com, que j'aurais dû coordonner. Pas de pot (pour DotNIB), j'ai eu un changement professionnel à 180 degrés peu de temps après, changement éjectant l'Apple II à des distances lunaires. Il y a aussi eu des disfonctionnements divers, comme des sources que JPL affirmait m'avoir envoyé par courriel depuis son bureau et que je n'ai jamais reçus, l'impression que ma carte EDD et/ou mon drive déconnait, ...
Bref, un coup d'épée dans l'eau et je continuerai en solo (donc sans contrainte) quand j'aurai plus de temps libre.

Même si le nouveau format n'est pas adopté tout de suite par un émulateur, ne serait-il pas tout de même intéressant de pouvoir réécrire totalement une disquette physique "originale" à partir d'un format image prenant en compte la protection ?

La problématique est à mon sens de devoir justifier un gros effort de développement pour un faible nombre de logiciels n'ayant pas été crackés ou mal crackés à cause d'une protection retord. Avoir à disposition un soft Apple II utilisable sous émulateur, ça n'intéresse déjà pas grand monde. L'avoir dans un format conservant sa protection d'origine, encore moins ! Ça se limite à quelques "puristes" en archéologie "Apple II". Ça intéressera qui dans 20 ans d'étudier ces protections ?
Comme le dirait MJ Mahon, il est plus simple de cracker les softs qui ne l'ont pas encore été quand un original protégé refait surface plutôt que de vouloir le garder sous sa forme d'origine. Et puis tchao tchao aux 0,5 % d'irréductibles. Qu'est ce que c'est que quelques softs perdus ?

Il me semble qu'il existe déjà des outils conservant une image complète d'une disquette. Le fichier résultat occupe beaucoup de place et n'est pas exploitable en l'état. Je crois me rappeler que Vladitx (Vladimir Ivanov de l'équipe BootZero, un gourou du hardware) m'a parlé d'une de ses réalisations faisant cela.

Avec une carte EDD et les listings qui étaient édités périodiquement par l'éditeur Utilico Software, il est possible de faire la duplication d'un bon paquet de softs. Idem pour le bit copier du package Locksmith. Il me semble aussi que COPY II+ a une biblio de titres enregistrés avec les paramètres de copie adaptés.

Que penses-tu des systèmes Kryoflux ou Catweasel ?

Bienheureuses les personnes ayant le temps de tester tous les outils à disposition. Ce n'est pas mon cas pour ces deux là.
Les vidéos "YouTube" de la Software Preservation Society + Kryoflux sont sympas mais je n'ai pas vu ce qui était proposé comme format pour l'Apple II.
Si tu connais un lien décrivant l'utilisation d'un contrôleur Catweasel pour lire des disquettes Apple II protégées et ce qu'il est possible de faire avec, je suis preneur.

 

Un grand merci à Jean-Marc pour le temps passé à répondre à toutes ces questions.

 

Pour aller plus loin :

Lire le conte africain Le Secret du Bonheur.

Visiter le site de Daniel Odier (à vos risques et périls...).

Retrouver l'interview de Blacky sur Underground //e.

Découvrir l'Hyborien (Arallu y signifiant "enfer").

Et tout savoir sur le Catweasel (avec un programme permettant a priori de lire mais aussi d'écrire vers des disquettes 5.25 Apple II).